L’influence est un capital qui se construit sur la durée. Mais il suffit d’un faux pas pour l‘entamer. Voici six erreurs fréquentes et la meilleure façon de les éviter.
« Aujourd’hui, la clé du pouvoir des dirigeants réside dans l’influence et non plus dans l’autorité », prophétisait dans les années 1980 Kenneth Blanchard, auteur américain spécialisé en management et en leadership situationnel de proximité. Nous y sommes : la remise en question des hiérarchies traditionnelles laisse désormais place à l’art de la négociation et de l’influence pour gérer les relations de travail dans l’entreprise. Vous avez du charisme, des compétences, un bon réseau et une solide capacité à défendre vos convictions, à convaincre et embarquer un collectif ? Vous devriez disposer d’un bon capital d’influence. Attention à ne pas le dilapider en commettant l’un ou l’autre de ces six faux pas !
1 – La non-réciprocité
C’est la règle de base de l’influence : donnant donnant. Si vous ne renvoyez jamais l’ascenseur, on ne vous l’enverra plus… Intéressez-vous à vos collègues et collaborateurs, cultivez vos contacts et vos relations. Tâchez de comprendre leurs objectifs et leurs besoins. Aidez-les, mettez-les à l’aise. Et rendez des services. Ne vous mettez pas en avant : ne soyez pas avare de compliments, partagez les mérites pour mieux faire grandir les autres. C’est le meilleur moyen de les mettre dans votre poche et de vous attirer leur confiance, laquelle constitue le carburant de votre influence.
2 – L’arrogance
OK, vous avez l’oreille du grand patron, on vous suit, on vous met sur un piédestal… Mais attention à ne pas laisser enfler vos chevilles ! Le rappel à l’ordre pourrait vous surprendre. L’influence est le résultat d’un compromis entre vous et votre environnement. On fait appel à vous parce que vous êtes indispensable au fonctionnement d’un service. Et vous l’êtes notamment parce que vous facilitez les relations entre les personnes.
Si vous vous contentez de jouer les cerbères devant l’entrée du patron tout en vous montrant froid avec le commun des mortels, on vous laissera assez rapidement de côté. « Certes, une dose de narcissisme est indispensable pour cultiver son image, admet Nicolas Lemoine, directeur executif d’HEC Executive Education. Mais l’influence est directement liée à la capacité de faire abstraction de vous-même pour vous intéresser aux autres. » Cultivez donc l’humilité et n’hésitez pas à évoquer vos points faibles. Il y a parfois beaucoup à gagner à se montrer vulnérable.
3 – La rigidité
« On n’influence pas par la contrainte ou en imposant ses idées. Pour être suivi, il faut donner envie, intégrer la notion de plaisir à se dépasser, à faire différemment », prévient Céline Sulowska, coach certifiée HEC et formatrice en leadership. « Avoir de l’influence, c’est avoir des convictions mais peu de certitudes, ajoute Philippe Guillou, formateur spécialisé en management et leadership chez CSP Formation. Contrairement à un gourou, vous n’êtes pas porteur d’une vérité : vous devez montrer ce en quoi vous croyez, poser les bonnes questions, puis laisser à chacun la liberté de trouver sa propre réponse. » Le piège serait de vouloir prendre le contrôle sur vos collaborateurs, au risque de frustrer leur créativité et de les empêcher de s’épanouir.
Certes, rester droit dans ses bottes et se montrer directif dans certaines situations est indispensable. Mais il faut également se montrer souple et agile face à l’imprévu, ne pas laisser désorienter par le changement. Entre rigueur et rigidité, il y a plus qu’une nuance : « Etre rigide, c’est destructeur : c’est avoir une relation austère et distante avec les autres, teintée d’un rapport de domination », décrit Philippe Guillou. Oubliez le micro-management : arrêtez de « surveiller » vos équipes et de leur donner des ordres. Le bon équilibre consiste à conjuguer exigence et bienveillance et à faire confiance à vos troupes. Cela ne fera que renforcer votre influence. « Inspirez-vous de l’entraîneur sportif qui va souffler dans les bronches de ses joueurs pour les remotiver alors qu’ils ont perdu la première mi-temps, propose Maurice Thévenet, professeur de management à l’Essec. A ce moment-là, c’est ce dont ils ont besoin. »
4 – L’inaccessibilité
Vous négligez de consulter, de recueillir les feed-backs de vos collaborateurs et de vous montrer parmi eux. Plus dure sera la chute ! « Pour être soi-même écouté, il faut faire l’effort d’écouter les autres », indique Philippe Guillou. Soyez présent, communiquez et interrogez régulièrement vos collègues en privilégiant les contacts directs. « Pour toucher les gens, l’intelligence ne suffit pas, il faut créer du lien », poursuit le formateur. Et savoir se mettre au niveau de son interlocuteur, en suivant le conseil de Nelson Mandela : « Si vous parlez à un homme dans une langue qu’il comprend, vous parlez à sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, vous parlez à son cœur. »
« Certains influenceurs cultivent une inaccessibilité qui les place en posture haute », note toutefois Céline Sulowska. Il peut s’agir d’une stratégie destinée à renforcer votre aura. Mais elle n’est pas destinée à vos proches, à vos soutiens ou votre équipe. Si vous ne savez pas vous montrer disponible pour votre réseau rapproché, vous serez vite discrédité. Une éminence grise, ce n’est pas quelqu’un qu’on évite. C’est justement la personne que tout le monde vient voir ! Soyez au-dessus de vos collaborateurs pour les tirer, à leurs côtés pour recueillir leur point de vue et les comprendre, parmi eux pour les booster.
5 – La manipulation
S’il n’est pas clair et sincère quant à ses objectifs, si, par exemple, il se focalise sur son dessein personnel plutôt que de de penser au bien collectif de l’entreprise, l’influenceur entre dans la manipulation. Se montrer fin stratège, savoir jouer un coup à trois bandes pour faire avancer une cause, d’accord. Mais pas seulement pour faire avancer son agenda perso ! Se servir des autres à leur insu présente toujours un risque, à commencer par celui d’être démasqué. Mais, surtout, vous rompez de fait le lien de confiance qui est la base de votre influence.
« Il peut être tentant d’aller au-delà de son pouvoir en travaillant pour son propre compte ou en devenant le “bras armé” d’un supérieur, relève Céline Sulowska. Mais quand l’influenceur bascule du côté obscur, il y a forcément un retour de bâton, à plus ou moins long terme. Il arrive même que, tel l’arroseur arrosé, le manipulateur se retrouve instrumentalisé à son insu. » Restez donc honnête et transparent sur les objectifs que vous poursuivez et informez vos collaborateurs sur la marche à suivre et sur la stratégie de l’entreprise.
6 – La non crédibilité
« Il faut être en accord avec les valeurs que l’on prône », plaide Nicolas Lemoine. Histoire de ne pas rejouer le fameux « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Définir certaines règles et ne pas s’y soumettre pour privilégier son confort personnel ou s’octroyer les lauriers d’un dossier mené de bout en bout par un collègue, voilà qui risque fort de ternir durablement une image et de faire baisser à grande vitesse un pouvoir d’influence… N’oubliez pas que votre crédibilité est le socle de votre aura. Soyez donc exemplaire dans vos comportements. Rechercher l’influence signifie que vos moindres faits et gestes seront scrutés et analysés. Adoptez un discours homogène et constant quel que soit votre interlocuteur. Tête, cœur et corps doivent rester cohérents avec vos objectifs et votre statut.
CHARLOTTE DE SAINTIGNON / Capital