La problématique du commerce ambulant au Maroc se pose avec acuité. Il est alors très important d’accélérer l’intégration socio-économique des marchands ambulants. Pour y parvenir, le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) recommande l’élaboration d’un plan national d’intégration économique et sociale. Pour y parvenir, le CESE propose un certain nombre de mesures.
« Les marchands ambulants contribuent directement et indirectement à l’élévation du niveau d’activité économique et de la popularité commerciale compte tenu du volume et de la variété des marchandises qu’ils commercialisent. Cette activité commerciale permet également aux consommateurs, notamment issus des classes moyennes et pauvres, une plus grande liberté de faire leurs achats à des prix compétitifs, avec l’avantage de la proximité et de la disponibilité de l’offre commerciale au sein d’un espace flexible. Le commerce ambulant offre également une opportunité à une large catégorie d’individus qui n’apprécient pas la formation. Il permet de les intégrer au marché du travail afin qu’ils puissent exercer une activité génératrice de revenus », ajoute la même source.
Le CESE estime, cependant, que ces avantages sont contrebalancés par les aspects négatifs du commerce ambulant, comme l’occupation illégale du domaine public, le bruit, le blocage du passage des voitures et de la circulation piétonne, la pollution de l’environnement, et la concurrence inégale avec le secteur économique organisé. De plus, les vendeurs ambulants souffrent de l’absence de droits sociaux tels que la protection, l’assurance, la représentation professionnelle ou syndicale…
Plus de 400.000 marchands ambulants au Maroc
Toujours dans son rapport, le CESE, citant une enquête datée de 2014, du ministère de l’Industrie et du Commerce, indique que le nombre des marchands ambulants est d’environ 430.000. Ils sont essentiellement des hommes, travaillant 6 jours par semaine et 9 heures par jour, et leur âge moyen est de 41 ans. Ils réalisent un revenu mensuel estimé à 3100 DH (légèrement supérieur au SMIG).
Pour démarrer le négoce de légumes et de fruits, le marchand ambulant a besoin d’un capital de 800 DH, et d’un montant supérieur compris entre 2000 et 10.000 dirhams pour s’engager dans le négoce d’autres marchandises. L’enquête, poursuit le CESE, révèle également que le plus grand nombre de marchands ambulants se trouve notamment au Grand Casablanca, dans l’axe Tanger-Tétouan et l’axe Rabat-Salé.
Elle révèle aussi que plus de 80% d’entre eux exercent depuis 5 ans ou plus, et près de 60% exercent l’activité depuis au moins 10 ans. L’enquête montre également que 80% des commerçants ambulants n’ont exercé aucune profession auparavant ou étaient au chômage. Ceci confirme que le commerce ambulant constitue une alternative à la sécurisation d’un gagne-pain pour un grand nombre de chômeurs ou de personnes vivant dans des conditions sociales précaires.
Faible niveau d’éducation chez les marchands ambulants
Autre résultat frappant de ladite enquête : 9% des vendeurs ambulants souffrent d’analphabétisme ou sont ceux qui ont quitté les salles de classe tôt au cours de l’enseignement primaire. On constate également que les diplômés de la formation professionnelle ne représentent que 0,1% des marchands ambulants. Ce qui amène à conclure que le manque de qualification et d’une formation adéquate est la principale raison qui empêche l’intégration de nombreuses personnes sur le marché du travail, qui sont obligées, d’une manière ou d’une autre, de travailler comme commerçant ambulant.
Toujours selon ladite enquête, 60% des marchands ambulants ont un revenu mensuel de 3100 DH. De plus, les revenus tirés de ce type de commerce sont la principale ressource des familles de vendeurs ambulants.
En effet, les deux tiers des familles dépendent entièrement des revenus d’un de leurs membres qui travaille comme vendeur ambulant. En 2014, ce type de commerce était une source de subsistance pour environ 1,5 million de personnes. D’après cette enquête aussi, les classes à faible revenu et à revenu moyen représentent ensemble 8% de la clientèle des marchands ambulants, tandis que la classe aisée représente 15% des clients.
Absence de cadre juridique réglementant cette branche d’activité
Quoi qu’il en soit, le CESE estime que l’activité de commerce ambulant souffre d’une lacune évidente dans l’aspect législatif et réglementaire qui empêche la possibilité de son intégration dans le secteur économique organisé.
De manière générale, le secteur non organisé souffre de l’absence d’un système national encadrant l’exercice des différentes professions et métiers, de sorte que les vendeurs ambulants exercent leurs activités commerciales sans disposer d’une carte professionnelle ou d’un registre de leurs activités. De plus, cette situation les met à l’abri de toutes obligations fiscales et sociales, et ils ne bénéficient en contrepartie ni des avantages de la protection sociale, ni du droit de s’organiser pour défendre leurs intérêts au sein d’organisations professionnelles ou syndicales.
Devant l’ampleur qu’a atteint ce phénomène, les pouvoirs publics ont d’ailleurs élaboré un programme national de réhabilitation des marchands ambulants sur la période 2015- 2018. Résultat : seuls 124.000 vendeurs ambulants sur 430.000 vendeurs ciblés ont été réhabilités. La cause ? Pour le CESE, ce programme a rencontré plusieurs difficultés de mise en oeuvre liées notamment à la rareté du parc immobilier, au manque de ressources financières, à la faible implication des bénéficiaires, à la faible activité commerciale, et aux problèmes d’électricité et d’eau.
De ce point de vue, il est devenu très important d’accélérer l’adoption et la mise en oeuvre des mesures nécessaires pour réaliser l’intégration économique et sociale de ces vendeurs. Le CESE appelle à l’élaboration d’un plan national d’intégration économique et sociale des marchands ambulants.
Pour y parvenir, le Conseil propose un certain nombre de mesures. Parmi ces mesures, réglementer les différents métiers du commerce, de l’industrie, des services et de l’agriculture, et exploiter l’opportunité de mettre en oeuvre le projet de généralisation de la protection sociale afin de généraliser l’implication des vendeurs ambulants dans le système d’auto-entrepreneur, et leur permettre d’obtenir une carte professionnelle…
Par L’Opinion A. CHANNAJE