La flambée historique du fret maritime qui touche le Maroc devrait bientôt s’estomper. Les Etats-Unis ont décidé de serrer la vis aux armateurs qui retardent volontairement les livraisons de conteneurs. Une mesure qui fait l’affaire des importateurs et exportateurs marocains.
Cette loi donne des pouvoirs à la Commission maritime du Congrès américain pour aller enquêter partout dans le monde sur le retard de livraison des conteneurs à destination ou en lien avec le marché américain. Autrement dit, cette commission se met en branle dès qu’elle constate qu’un conteneur envoyé du Maroc vers les Etats-Unis connaît des retards d’acheminement.
« L’objectif de cette commission est de s’assurer que les pratiques des armateurs n’entravent pas le commerce extérieur des ÉtatsUnis ou ne lui portent pas préjudice. C’est en ce point précis que le Maroc tire bénéfice de cette mesure : la commission a compétence pour statuer sur toute obstruction faite à l’acheminement d’un conteneur destiné aux USA et réciproquement », précise l’expert maritime, professeur Najib Cherfaoui.
A l’heure où les exportations marocaines peinent à quitter les ports du royaume et trouver des navires pour leur transport, cette nouvelle a de quoi rassurer.
Baisse des tarifs
Mais, au-delà du retard, la principale question consiste à savoir si ce rôle de gendarme activé par les Etats-Unis va contribuer ou non à la baisse du fret maritime. « Oui », répond le professeur Najib Cherfaoui.
A l’heure où le prix du conteneur à destination du royaume tourne autour de 20.000 dollars, contre 4.000 habituellement, les professionnels promettent que « les prix du fret maritime vont baisser, car cette loi a pour but d’assurer un système de transport maritime juste et équitable ».
Equitable non seulement pour le commerce extérieur des Etats-Unis, mais aussi, par ricochet, pour les pays impliqués dans leur circuit de livraison. « Toutes ces exigences visent à limiter la hausse démesurée des tarifs enregistrés durant la pandémie, et vont conduire à diminuer de moitié les prix pratiqués actuellement », poursuit le professeur Najib Cherfaoui.
10.000 boîtes
Pour le Maroc, en tout cas, c’est un développement positif à l’heure où de plus en plus de voix appellent à mieux tirer profit de la crise mondiale du fret maritime. Ce qui passe, en autres activités, par la fabrication de conteneurs. A ce propos, le lancement d’une unité de production de conteneurs dans le royaume s’impose de plus en plus comme une nécessité.
Pour le moment, rien n’est acté dans ce sens, mais l’idée commence à mûrir au sein des instances publiques compétentes, de même que dans le secteur privé. Chez les spécialistes du secteur maritime, on applaudit des deux mains cette initiative.
« Avec ce projet, le Maroc se révélera être un acteur capable de tirer profit des évolutions et des opportunités qu’offre le secteur maritime », se félicite un expert portuaire. « Sur le plan industriel, nous avons ce qu’il nous faut pour nous lancer dans la construction de conteneurs. L’expertise et les compétences nécessaires sont là. Il nous manquait de la volonté », renchérit El Mostafa Fakhir, premier vice-président du Comité des spécialistes africains en activités maritimes portuaires et logistiques (COSAMPOL).
Fabriquer entre 6.000 et 10.000 conteneurs par an au Maroc permettra non seulement de doter l’économie nationale d’une flotte stratégique en la matière, mais, à terme, fera du Maroc un exportateur de ces fameuses boîtes désormais très prisées sur le marché mondial. Aussi bien les exportateurs traditionnels que les grandes compagnies se lancent dans la constitution de flottes de conteneurs. En un mot, c’est une véritable niche de business qui se profile à l’horizon pour le Maroc. Disposer d’un port carrefour de classe mondiale comme Tanger Med, puis se positionner comme fabricant de conteneurs, renforcera radicalement l’influence du royaume. Et ce n’est pas tout…
« Rafraîchissement de conteneurs »
Au-delà de la fabrication de conteneurs, une autre activité très porteuse est également détectée par les spécialistes du monde maritime. Il s’agit du « rafraîchissement » de conteneurs. Autrement dit, leur remise en forme sanitaire, l’habillage et la signalétique (logos/identifiants OMI).
Du point de vue du trafic conteneurisé mondial, le Maroc est un lieu de repositionnement, c’est-à-dire une plateforme de réacheminement des boîtes vides vers les lieux de remplissage comme la Chine et les pays occidentaux.
« A l’occasion du transit par le Maroc, notre système portuaire doit faire une offre de proposition pour en faire un hub de contrôle et de requalification des conteneurs vides au service du commerce mondial », renchérit le professeur Najib Cherfaoui. Selon lui, « le rafraîchissement des conteneurs est une activité que le Maroc peut s’approprier pour créer un mécanisme inclusif créateur d’emplois intégrés à la dynamique de l’industrie maritime planétaire ».
Par L'Opinion et rédigé par Abdellah MOUTAWAKIL