La cryptomonnaie la plus populaire du moment n’aura jamais les qualités d’une monnaie “à l’ancienne”, mettent en garde deux directeurs de la BCE dans une tribune pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Sa diffusion de plus en plus large pourrait même causer “des dommages sociaux considérables”.
Le bitcoin “est trop volatile et trop coûteux” pour remplir les critères classiques d’une monnaie – “unité de compte, moyen de paiement, réserve de valeur”. Il est impossible qu’il concurrence la gouvernance traditionnelle des infrastructures de marché, la preuve en est “l’échec” du Salvador, où le bitcoin “n’a pas été accepté par la population”.
Nul besoin d’être un virtuose de la finance “pour comprendre que le prix du bitcoin sera tôt ou tard nul”. Les spéculateurs qui misent sur sa rareté se trompent. “C’est seulement la demande subjective utile qui rend un bien rare et donc précieux”, l’enthousiasme ne suffisant pas à long terme. “La fièvre du bitcoin a toutes les caractéristiques d’une bulle spéculative fondée sur la théorie du plus grand fou”, selon laquelle “la valeur augmente tant que le ‘plus grand fou’ suppose qu’il peut vendre ultérieurement à un prix plus élevé”.
Les règles contre l’anarchie
Quant à “la perspective de se libérer du contrôle de l’État et des autorités centrales qui abusent de leur pouvoir”, c’est oublier que “la liberté a besoin de règles, sinon c’est l’anarchie”. La littérature économique a “depuis longtemps” établi que “dans nos sociétés de marché, l’économie et les marchés financiers ne sont pas purement décentralisés et spontanément organisés, mais obéissent à des institutions centrales et des nœuds distribués selon des hiérarchies internes (entreprises) dans le cadre de règles établies”.
Le bitcoin n’est pas aussi “populaire” que le croit sa communauté. Il est “façonné par des intérêts financiers et des investisseurs puissants”. Les “masses”, soit 75 % des adresses de la blockchain, “ne détiennent que 0,2 % du marché”. Soit un système bien “plus élitiste qu’égalitaire”.
Enfin, les cryptoactifs sont dangereux pour l’environnement – le minage “gaspille l’énergie à grande échelle” – et pour la société – blanchiment d’argent, financement du terrorisme… Tout cela milite pour “une réaction des pouvoirs publics”, concluent les deux économistes, pour qui un bitcoin qui dure est une chose “aussi impossible que diviser par zéro”.
Source : FRANKFURTER ALLGEMEINE ZEITUNG Francfort www.faz.net