«Le ministère de l’Economie et des Finances est déterminé à assainir les arriérés des crédits TVA et surtout à éviter leur reconstitution, en veillant dorénavant aux remboursements dans les délais réglementaires».
Pour convaincre, Mohamed Benchaâboun annonce une baisse prévisionnelle de près de 80% dans «le stock nominal cumulé des demandes de remboursement qui est passé de 48,2 milliards de DH à 9,6 milliards à fin octobre dernier». Ce recul du stock de 38,6 milliards de DH correspond aux demandes du secteur privé pour 15,5 milliards de DH et à celles du public pour 23,1 milliards de DH.
Le reliquat du stock comptabilisé de 9,6 milliards de DH n’a pas encore été traité. Cela concerne les demandes du secteur privé à hauteur de 5,9 milliards de DH et à celles du public pour 3,7 milliards. En tout cas, cette baisse s’explique par le traitement par «voie d’affacturage qui constitue une opération d’assainissement d’envergure jamais réalisée au Maroc», note le ministre.
En effet, l’Etat s’est mis d’accord avec les banques pour avancer l’argent aux entreprises, qui payeront le taux d’intérêt, mais c’est le Trésor qui rembourse les montants aux banques au fur et à mesure.
Le ministre des Finances est également concentré sur la réduction des délais de paiement, suite aux orientations royales contenues dans le discours du 20 août dernier. Le chantier est urgent puisque le délai moyen de paiement était de 146 jours pour les marchés de l’Etat et de 142 pour les collectivités territoriales.
Face à ce constat et en concertation étroite avec la CGEM, le ministère, à travers la TGR, avait entrepris une réforme d’envergure du cadre juridique, visant la réduction des délais de paiement de la commande publique. Cette réforme a été adossée à un système d’information dédié, garantissant l’effectivité de la réforme, la traçabilité du processus et la responsabilisation des acteurs.
Ainsi, au terme de la première année de mise en œuvre, les délais de paiement des marchés ont été ramenés de 146 jours en 2016 à 58 jours en 2017. Surtout que pour cette année-là, la commande publique a représenté 58 milliards de DH pour l’Etat (40,9 milliards de DH) et les collectivités territoriales (17,1 milliards de DH). Elle couvre les marchés publics, les contrats d’architecte, les conventions (ex: convention avec les sociétés de distribution d’eau et d’électricité), les contrats de droit commun (location d’immeubles,…) et les bons de commande.
Selon Mohamed Benchaâboun, son département assure un suivi régulier des délais de paiement des principaux établissements et entreprises publics (EEP). Dans ce cadre, leurs dettes fournisseurs échues ont connu une baisse, en passant de 19,3 milliards de DH en décembre 2017 à 17 milliards à fin septembre 2018.
Parallèlement, les délais moyens de paiement ont enregistré également un recul, en passant de 77,9 jours en 2017 à 67,8 jours à fin septembre dernier. L’analyse de la trésorerie par rapport aux dettes échues et aux délais de paiement démontre que globalement les EEP ayant les délais de paiement les plus élevés ne disposent pas d’une trésorerie suffisante, indique-t-il. Il a également rappelé la circulaire du 18 septembre dernier, qui a cherché à sensibiliser leurs dirigeants sur la question des délais de paiement et la nécessité de faire preuve d’exemplarité en la matière.
En tout cas, dans ce domaine, la feuille de route élaborée se base sur la responsabilisation de toutes les parties concernées, en particulier les organes de gouvernance, les managers des établissements publics, les autorités budgétaires et les agents de contrôle. L’autre axe de cette feuille de route concerne la refonte du modèle économique de ces établissements sur les plans institutionnel et la politique d’investissements.
Les PME, premières victimes
Depuis le lancement de la plateforme AJAL, mise en place le 4 octobre dernier et destinée à recevoir les réclamations des fournisseurs sur les délais de paiement, 85 fournisseurs s’y ont inscrits. A fin octobre, 12 ont déposé 30 réclamations concernant 12 établissements publics et dont le montant total s’élève à près de 57 millions de DH. Sur ces 30 réclamations, 12 d’un montant de 46,3 millions de DH ont été examinées. Selon le ministère des Finances, le délai moyen de traitement est de 7 jours ouvrables contre un maximum fixé à 10 jours ouvrables. Cette plateforme a révélé également que 80% des réclamations sont déposées par les PME et 20% par les TPE. Sur le plan territorial, 18 réclamations, correspondant à une dette globale de 50,5 millions de DH, concernent des EEP installés au niveau de la région de Rabat.
Mode opératoire
Le recours à l’affacturage, explique Benchaâboun, permet de soulager la trésorerie des entreprises qui devront payer le taux d’intérêt. En tout cas, selon la procédure, l’entreprise intéressée s’adresse à la banque signataire de la convention-cadre avec le département des Finances pour établir une «lettre d’intérêt» à déposer auprès de la Direction régionale des impôts (DRI) de son ressort territorial.
Après traitement, la DRI vérifie le montant du crédit et délivre une attestation de créance permettant la signature du contrat d’affacturage conjointement par l’entreprise et la banque. Cette dernière devra verser les montants de la créance au profit de l’entreprise avec laquelle elle est tenue de signer une quittance subrogative dont une copie est transmise à l’administration fiscale. Celle-ci assure le versement des échéances à la banque conformément au calendrier fixé dans la convention-cadre.
Mohamed CHAOUI L’ÉCONOMISTE