Selon de nombreuses études, une des premières causes de la démotivation au travail est le manque de reconnaissance. Or, trop de managers sont persuadés que le personnel ne s’attend à recevoir de la reconnaissance que sous forme de primes ou de gratifications. C’est une erreur d’appréciation.
Pourquoi croit-on que travaillent les gens ? Pour gagner leur vie ? « Gagner sa vie », est-ce seulement synonyme de gagner de l’argent ? C’est aussi lui donner de la valeur dans tous les sens du terme : « avoir de la valeur » en tant que personne, en tant que professionnel, en tant que contributeur à la vie de l’entreprise.
Les individus travaillent pour contribuer, pour faire partie du jeu de l’existence, pour se montrer à eux-mêmes et aux autres leur compétence , ils veulent apporter leur pierre à l’édifice bien qu’ils puissent parfois commettre des erreurs. Négliger la bonne volonté, le désir de participer, de contribuer conduit à une distanciation dans les rapports. Les gens se préoccupent de ce qui se passe, ils veulent que « ça aille bien » et ils sont prêts à se dépenser, à se dépasser et à passer de longues heures pour atteindre les objectifs du groupe.
La rétribution morale permettant de reconnaître leurs efforts vaut souvent de l’or. Certains disent que, si les gens recevaient plus de reconnaissance, ils feraient plus pour l’entreprise. Piero Ferrucci50 affirme dans son livre, L’Art de la gentillesse, que « la gentillesse n’est pas un luxe mais une nécessité ». Nous pensons que la reconnaissance est un luxe indispensable qui n’est régi par aucune obligation, si ce n’est que sa négligence risque de mener les leaders dans une impasse.
Une énergie spirituelle
Le leader doit être capable de se libérer l’esprit et de regarder le monde sous un angle différent. Se décider à apprécier ce qui se trouve autour de lui est un exercice à part entière dont bénéficieront ses collaborateurs. Cette compétence développe l’aptitude à être reconnaissant. La question à se poser est : « de qui, de quoi, pourrais-je être reconnaissant ? »
Aussi surprenant que cela paraisse, cette attitude envers la vie est capable de changer instantanément son regard habituel. Elle apporte une sérénité inattendue, difficile à ressentir dans le rythme trépidant de l’existence. Il est intéressant de remarquer que, sous sa forme la plus élevée, la reconnaissance porte en soi une forme d’admiration pour les choses inanimées autant que pour les êtres vivants. Cette énergie spirituelle portée vers l’extérieur de soi ressemble à l’animisme que pratiquent de façon naturelle de nombreuses tribus. C’est une façon de donner de la vie aux êtres et aux choses qui nous entourent.
Quoi qu’il en soit, tout regard porté vers l’extérieur, pourvu qu’il soit dénué d’a priori et de considérations négatives, facilite la perception de l’environnement dont font partie les patrons, les collaborateurs, les machines, les situations, les structures massives, les choses insignifiantes, les mouvements, les plans d’action, les détails organisationnels, la facture du garagiste, la fiche d’impôts, etc. jusqu’à sa fiche de paie. Voilà une compétence susceptible d’enrichir les techniques de management en donnant au leader global une profondeur grâce à laquelle il lui sera sans doute plus facile de mener à bien sa mission.
Intégrer la reconnaissance dans la culture d’entreprise
Un de nos amis nous a raconté l’histoire suivante. Un cadre américain de passage à Paris cherchait de toute urgence, en plein été, à faire imprimer une plaquette publicitaire. Un vrai challenge lorsqu’on sait que les imprimeries parisiennes ouvertes au mois d’août se comptent sur les doigts d’une main. Après quelques jours de recherches, il trouve un imprimeur compétent, les délais sont respectés et le travail réalisé excellent. Le lendemain, le cadre américain demande que soit imprimé un diplôme portant les noms et prénoms, le nom de l’imprimerie et une gratification à remettre aux ouvriers et au dirigeant de l’imprimerie. Le personnel était stupéfait. Depuis combien de temps n’avaient-ils pas été reconnus pour leur valeur ?
Donner de la reconnaissance au moyen des outils numériques est également possible, mais cela n’aura pas le même impact, en tout cas sur le long terme, qu’une gratification en présence des acteurs concernés. La reconnaissance demande d’utiliser le bon vecteur de communication. Saluer le personnel en arrivant au bureau le matin, accuser réception des informations et des questions reçues par texto, e-mail, etc., s’enquérir aimablement de la progression d’une tâche importante, signifier oralement ou autrement que « oui, j’ai bien compris, je sais que vous m’avez posé telle question, ne vous inquiétez pas, j’y répondrai dès que j’ai un moment » montre que la reconnaissance peut revêtir de multiples facettes.
Cette pratique doit être intégrée à la culture de l’entreprise et devenir habituelle dans l’organisation du travail. Reconnaître les personnes en tant que telles, les efforts qu’elles accomplissent, les difficultés rencontrées, les résultats obtenus, les compétences dont elles font preuve, leur esprit d’équipe, leur degré d’investissement, sont des marques de gratitude qui sont légitimes et constituent le socle d’une entente collective de haut niveau.